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Tribulations d'une Française en Finlande
18 octobre 2007

Millainen on saunassa ?

Preliminary note : As you know, I'm flying to Belgium this Friday and will be back on next Wednesday. If you want me to pick some local products from Belgium to bring back, be it Galler chocolate, jenever or decent beer ;) just let me know and we'll arrange something.

***

Voilà qu'au lieu de faire mes valises comme il se devrait, je me dis que l'imaginaire ouest-européen tournant autour certaines pratiques finnoises requiert certains éclaircissements, explications voire démystification. Après la nécessaire mise au point sur l'été finlandais (non, il ne neige pas en Août, il ne gèle pas non plus, oui, il fait parfois même plus beau qu'en Europe méridionale) je me dois d'expliquer, non pas ce qu'est le sauna, mais comment est le sauna (la question du titre, qui plus exactement signifie "comment est-ce dans le sauna", si je ne m'abuse).
Tout de même, un petit topo sur la façon dont fonctionne le sauna finlandais : contrairement au hammam sensiblement plus répandu en Europe continentale, il est beaucoup plus sec, pas noyé dans une brume parfumée. De l'eau est rajoutée régulièrement sur des pierres volcaniques chauffées à blanc (électriquement dans les bâtiments modernes, mais au feu de bois dans les saunas traditionnels, petites cabanes en bois à l'écart des maisons), mais étant moins humide, la température du sauna finlandais peut se permettre de grimper jusqu'à 80 ou 90°C en moyenne. Par contre, la particularité qui, à mon sens, donne toute sa valeur à ce type de sauna, est lorsque les établissements sont situés au bord d'un lac. Vous me voyez certainement venir.
C'était le cas du sauna dans lequel nous nous sommes rendus pendant le Summer Course. Comme je l'ai raconté auparavant, la première chose qui vient à l'esprit en ouvrant la porte du sauna est qu'on pensait que c'était chaud... mais pas à ce point ! Finalement, on s'y fait... Néanmoins, la sècheresse de la pièce rend l'air difficilement respirable, d'où la naïve velléité de rajouter, histoire de rendre l'atmosphère plus confortable, une bonne louche d'eau sur les pierres. C'est pire. Peut-être pas dans un sauna chauffé à 80°C, mais dès que l'on s'approche des 100°C, l'humidification de la pièce se traduit non pas par la capacité retrouvée d'inspirer sans s'assécher les voies respiratoires, mais plutôt par une déferlante de vapeur véritablement brûlante courant sur le plafond et retombant par les coins de la pièce. Plus l'inconscient visiteur est perché haut, plus la chaleur sera intense. Au-delà d'une certaine température et d'une certaine humidité, même les plus téméraires faillissent, n'osant plus respirer, écrasés par la terreur de se brûler la peau des lèvres ou du nez par l'aspiration, se couvrant le visage qui donne l'impression d'être incandescent, ou se frottant les yeux. Bien entendu, cette description couvre les audacieux touristes que nous sommes, et pas les familles finlandaises poursuivant sans broncher leurs discussions, et dont les enfants n'ont pas l'air de ressentir ce que nous pouvons éprouver... Une telle situation s'est présentée à Anne et moi lors de notre visite au sauna de Rauhaniemi, excellent sauna public situé sur une avancée rocheuse sur le Näsijärvi, et par conséquent doté d'un accès direct à l'eau et d'un grand plongeoir, ô merveille ! Si cette séance a quasiment guéri Anne de son rhume tenace (un traitement de choc pour le moins, mais réellement efficace !) nous nous souviendrons plutôt de nos sorties précipitées et peu glorieuses, lorsque le charmant Finlandais au bonnet bicolore qui nous suivait d'une salle de sauna à une autre - chauffées toutes deux aux alentours de 115°C, si j'en crois le thermomètre - lançait sadiquement deux pleines casseroles d'eau sur le poële... Quel réconfort, alors, de se jeter dans l'eau fraîche du lac - du moins jusqu'à ce que la température inversement extrême atteigne mains et pieds douloureusement engourdis. Si les possibilités d'enchaîner aller-retours du sauna au lac se trouvent forcément limitées (les saunas des bâtiments où nous vivons disposent rarement de plans d'eau à nos portes), la technique russe enseignée par Anne fait aussi son effet : préparer une pleine bassine d'eau froide et se la balancer dessus dès le pied posé hors de la fournaise. Radical et pour le moins... vivifiant !
Etonnamment, nous voilà propulsées presque plus finlandaises que les Finlandaises : lors de la sauna party Iltakoulu où nous avons fêté mon anniversaire, ma tutrice Jaana a avoué être extrêment surprise de notre endurance aux conditions extrêmes et de notre absence totale d'hésitation à rajouter de la vapeur ou à nous jeter dans la piscine d'eau froide à peine sorties du sauna.
Mais trève d'anecdotes cocasses. On ne badine pas tout le temps avec le sauna en Finlande ; si c'est un lieu de discussions parfois très enjouées une bouteille de cidre à la main, celui-ci peut se parer de solennité, en tant qu'élément culturel presque central, dont je ne réalise pas encore toute l'étendue du rôle. Repartons de cette explication communément donnée : le sauna est traditionnellement, du fait de son aseptie due à la température très élevée, un lieu de naissance, celui où les femmes accouchaient. Ainsi que le lieu où les corps étaient lavés avant la mise en terre. Tout le symbolisme du cycle en fait un lieu de transition, et du fait de cette nature presque mystique, un lieu presque sacré, de méditation. Entre les saunas festifs et communs, ceux plus paisibles et publics, et y aller seul, il y a presque la même marge qu'entre les deux options expliquées plus haut et dans ce paragraphe.
Les événements qui m'y ont menée hier ont suivi un cours, pas forcément le plus logique, une succession de conditions un peu hasardeuses. Vérifiant par hasard la validité d'un de mes enrôlements aux cours de danse, je m'aperçois de mon succès - probablement très juste, mais qu'importe - à l'examen de Finnois, ce qui me permet l'accès au cours supérieur qu'il n'était pas question que je manque (à la clé, une dizaine de crédits supplémentaires et nécessaires). Mon enthousiasme ne trouve pourtant pas d'exutoire, la plupart des camarades qui m'auraient accompagnée fêter ça étant en pleines révisions pour les derniers examens de la semaine. Bon... L'après-midi passée à traînasser en ville étant révolue, je rentre un peu désoeuvrée, l'esprit en vacances, et me laisse aller à célébrer ça en la seule compagnie d'un cidre - qui, je m'en rends compte un peu plus à chaque fois, est décidément un des alcools les plus traîtres que je connaisse. L'occasion est inespérée de réaliser mon projet d'écoute extensive de l'une de mes dernières acquisitions, Delirium Sadomaso de Temple of Tiermes, excellent, mais n'agissant pas chez moi avec la même immédiateté que leur live au Telakka de Tampere. Je soupçonnais toutefois quelque chose d'assez énorme dans des conditions adéquates, donc à défaut de psychotropes (sous lesquels il me semble avoir lu que l'album a été composé)... Et c'est le cas ! La demi-conscience alcoolisée dans l'obscurité est décidément le passage le plus évident vers l'appréciation des interminables et hypnotiques drones du projet. Un voyage interplanaire interrompu assez brutalement - c'est peu dire - par une colocataire qui frappe à la porte, entre en trombe en rallumant le plafonnier - horreur ! - et se plante en serviette de bains pour annoncer qu'elle vient de s'enfermer hors de sa chambre. Je me tire péniblement du lit, lui signifie que de toute façon je n'ai plus d'argent sur mon portable, descend lui rechercher le numéro d'appel d'urgence, nous appelons via son Skype et tombons bien entendu sur l'employé de la compagnie lui-même qui ne parle pas un mot d'anglais. "Ovi on kiinni, Keskisenkatu kuusi A kahdeksan C"... c'est là qu'on se dit que le séminaire intensif de Finnois n'était pas accessoire ! Incertaines de la venue ou non de notre interlocuteur, Asia et moi échangeons un regard quelque peu inquiet en raccrochant... Vérifiant l'heure, je réalise que j'avais réservé le sauna du bâtiment pour la plage horaire directement suivante, il y a quelques semaines. J'abandonne Asia avec Michael et descends vers la salle commune... Pas question de le manquer cette fois. Etrange comme on développe une accoutumance à ces pratiques. Le sauna est donc à moi seule pour quelque trois quarts d'heure... La température n'y est pas si élevée qu'au sauna de Rauhaniemi où Anne et moi avons dû battre en retraite face au loucheur fou, mais largement supérieure à celui de notre première sauna party. Je suis même la seule à l'utiliser de la journée, si j'avais su... Après une douche tiède, histoire de ne pas carboniser sur place, je remplis la bassine et vais m'étendre dans le sauna, la tête toujours dans les vapeur de mon cidre et les boucles répétitives de Temple of Tiermes. La porte vitrée laisse entrer un peu de lumière du plafonnier, mais le sauna reste sombre, et chaud, comme le ventre d'un gros animal. La solitude de cette pièce, loin des appartements, est grisante... L'écho des véhicules, déformé et assourdi, est étrange, très atmosphérique. Je rajoute précautionneusement un peu d'eau, pour rester dans des limites supportables, mais il est presque agréable maintenant de ressentir cette brûlure s'étirant sur les membres supérieurs lors de l'arrivée de la vague de vapeur. Non. Réellement... non pas agréable, mais aussi satisfaisant et réconfortant que l'amertume du chocolat fort, l'incandescence de certains alcools, ou même l'aspect ouvertement déplaisant de certaines musiques difficiles ou des voies les moins faciles. Le sauna se pratique par phases d'une dizaine ou quinzaine de minutes entrecoupées par des pauses pour se réhydrater et se rafraîchir. La brûlure de la vapeur s'estompant, reste la respiration superficielle dans l'atmosphère étouffante, qui augmente le rythme cardiaque jusqu'à la nécessité de sortir. L'eau de la douche est heureusement froide lorsqu'on enclenche le jet, très froide, fouettant les capillaires. Je crois qu'on peut rarement mieux apprécier l'eau liquide qu'au sortir du sauna... Je n'aime pas particulièrement relâcher ce rythme en restant quelques minutes assise sur le banc avec ma serviette, j'y reviens directement, pour une deuxième salve intensifiée par le rythme cardiaque sollicité sans relâche. Et ainsi de suite, les pauses devenant elles aussi plus intenses, la peau rougie fourmillant des changements brusques de température, jusqu'à ce que la tête en tourne. Je fais peau neuve. Après un dernier passage dans le sauna, ma serviette de bain suspendue pour sécher à l'intérieur, j'applique la méthode russe et retourne le seau d'eau à deux bras au-dessus de la tête. Déstabilisant... Le retour à des températures modérées peut rarement être plus apprécié ensuite, sous la douche tiède. Pourtant, on se sent rarement mieux qu'à la sortie de cette expérience, dénoué et purifié, apaisé. Difficile de réaliser tout cela sans l'expérience, comme je me le dis maintenant en me souvenant de l'expression de Michael, expliquant ô combien il était supérieur d'aller au sauna seul ; il y aura certainement quelques mauvaises langues ou esprits têtus ne pouvant envisager le bénéfice d'un acte si apparemment masochiste. Sans doute cela fera-t-il partie de ce que je ne saurai jamais mieux expliquer, et qui dans des conversations futures, aboutira à une impasse, celle de faire ressentir ce qu'on ne peut que vivre.

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Commentaires
S
Je t'imagine "loucher" les pierres comme une junkie-maso > Plus chaud !! Encore plus chaud !!! ! hahahaha evil !
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