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Tribulations d'une Française en Finlande
25 octobre 2007

Takaisin

- What would dead captain of a drowned swimming team tell you if interviewed? "We would have swum even further"

Il est deux heures et demie du matin, je n'ai presque rien mangé de la journée, ma chambre atteint le seuil du chaos apocalyptique, valises ouvertes pêle-mêle et sacs renversés, et je n'arrive pas à bouger, complètement emportée par le flot d'informations et d'événements. Je crois que j'ai besoin de faire une pause pour assimiler tout ça, un peu.

Je voulais commencer l'article par cette phrase, tirée de l'explication d'un des titres d'Alamaailman Vasarat, ce qui de manière assez appropriée renvoie aussi au concert de ce soir - sans pour autant avoir cette utilité, fondamentalement. C'est plutôt ce jusqu'au-boutisme cocasse et émouvant qui m'a appelée, ce que je retrouve dans mon Antigone raide comme la règle de droit dans la détermination qu'elle montre à pousser la logique dans ses propres retranchements.  Nous aurions nagé toujours plus loin... 

Quelque part, cela en appelle à ma façon actuelle de voir les choses, je le sens. Ces derniers temps, j'en suis arrivée à la conclusion que ce n'est pas tant que je voulais être Finlandaise... Non, ce dont mon statut est le corollaire, c'est de rester étrangère ici. Sinon comment excuser cette constante naïveté de la découverte (et cette promotion hagiographique du pays, façon lobbying forcené) ? Toutes autres circonstances rendraient la chose définitivement ridicule.

Comment est-ce, alors, de partir et de revenir ? C'est tout d'abord extrêmement compliqué, avec le concours de l'imprimante de l'université, des divers sites d'achat de billets d'avion, de vérifications d'horaires, de compagnies et d'enregistrements, et de l'aéroport d'Helsinki. Honteusement rendormie le matin du départ, je vais à l'essentiel et cours à l'Université imprimer mon boarding pass, histoire d'éviter l'enregistrement à l'aéroport et de gagner du temps. L'imprimante de la salle informatique est, pour la première fois de l'année, en panne. Une affichette indique narquoisement qu'elle ne sera certainement pas réparée avant le lundi. A noter que l'affichette n'est pas manuscrite mais imprimée... Je ressors, tombe sur David, nous allons au bureau d'information, on nous indique de descendre l'escalier, passer la cafétéria, tourner à droite et de trouver les salles 3 et 5 dotées, avec un peu de chance, d'imprimantes en fonction. Effectivement, les imprimantes fonctionnent. Reste à trouver le numéro du vol à indiquer pour imprimer le boarding pass, et qui n'est donné sur aucun de mes papiers. Je le trouve après recherches sur trois sites différents. Et... Le site de KLM m'indique que l'enregistrement en ligne n'est pas disponible à partir de l'aéroport d'Helsinki. Bien. Très bien. Très très bien.

Je cours prendre mon bus, parviens à attraper celui précédant l'horaire prévue, arrive à l'aéroport de Vantaa et me dirige après quelques recherches, encore, vers le comptoir KLM, où on me renvoie comme la dernière des petites filles aux allumettes vers les automates de la compagnie. Parfait, il m'était demandé sur le site internet un identifiant, j'avais choisi la carte de paiement. J'introduis la carte dans la machine. Qui ne la détecte pas. Rien du tout. Je tente la carte d'identité. On détecte qu'effectivement, j'ai introduit quelque chose dans la machine, mais on ne sait pas trop quoi, donc on ne sait pas lire. C'est dans ces moments qu'on remercie la Nordea d'imposer la possession d'un passeport pour ouvrir un compte. Sinon, je ne sais même pas si j'aurais pu prendre mon avion. Et me voilà avec deux heures et demie d'avance sur mon vol à traînasser dans le hall d'embarquement... Au moins, je suis repartie avec du thé Nordqvist et du chocolat Fazer (et mes Karjalanpiirakka, enfin !).

Je dois tout de même avouer que le voyage en avion de nuit a ses charmes : trois couchers de soleils et des myriades de lumières citadines. Pas vraiment assez pour compenser la terrible crise d'angoisse de l'aéroport d'Amsterdam... Non pas que j'eusse failli rater ma correspondance, au contraire ; juste, face à ces boutiques de produits de luxe, même pas beaux, juste chers, ce sentiment d'étrangeté confinant au malaise, se muant en désespoir, de comparer... et de se rendre compte combien tout est mieux là-bas... Et combien on se sent déchiré d'en être loin, comme de retoucher terre... Le reste du voyage, sans encombre, ne fera que camoufler partiellement cette terreur...

Et de retrouver une Bruxelles qui n'est pas loin d'avoir perdu toute sa magie, qui désormais semble engoncée dans sa bourgeoisie, parcourue par des fantômes - une nostalgie latente d'entendre cette langue, qui avait sonné bien plus douce en d'autres temps, et dont la seule existence met à jour des permanences qu'on soupçonnait déjà. La bière du Poechenellekelder, les chocolats et les moules de la Bonne Humeur ont un goût différent. Pas fondamentalement mauvais, mais inédit.

Ce que je redoutais était une évidence qui d'une manière ou d'une autre s'est réalisée. Le fragile équilibre gyroscopique et sous euphorisants n'aurait pas eu besoin d'autant pour faire tout vaciller de nouveau ; de nouveaux tunnels se creusent aux bouts desquels luisent des lumières ou des mirages. Au milieu de tout ce désordre terrifiant je crois que j'ai tout à ordonner et reconstruire. Je me sens un peu brisée. Ou plutôt a-t-on donné un coup dans la toupie qui est partie dans une nouvelle direction qui n'existait pas avant qu'on la découvre... Une seule chose reste, peut-être la seule assertion de laquelle je sois satisfaite : la Finlande restera mon refuge. Si ce pays était de chair, d'os, de fluides et de capacité d'appréciation, je lui demanderais de l'être pour moi. J'avais hâte de retourner me blottir dans cette routine merveilleuse qui m'irrigue de l'intérieur. J'ai un Nord où remonter lorsque le reste m'étouffera.

Je n'arrive pas à intégrer l'interlude belge dans ma chronologie intime, c'est comme une ouverture dont les bords se sont refermés et ressoudés. Je dois être partie hier et avoir séjourné hors du temps. Mais lorsque ce sera l'inverse ? Il en restera quoi ? Des sachets de thé et un emballage vide de chocolat froissé ?

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